Présentation

L’Algérie comme d’autre pays, avec la diversité de ses pratiques, la multiplicité de ses formes d’expression et l’amplitude de son histoire, accorde un intérêt particulier à l’identification de ses biens culturels et à la sauvegarde et la protection de son patrimoine. Et c’est sur la base de la loi régie par l’Etat, qui a pour objet de définir le patrimoine culturel de la Nation, d’édicter les règles générales de sa protection, sa sauvegarde et sa mise en valeur, et de fixer les conditions de leur mise en oeuvre[1], que des chercheurs en sociologie, en anthropologie culturelle et en d’autres disciplines au CRASC (Hadj Miliani, Ahmed Amine Dellaï, Farid Benramdane,…) et dans d’autres centres et institutions de l’état se sont focalisés sur la collecte, l’étude et l’analyse des différentes formes et représentations de notre patrimoine culturel.

Cette recherche adossée sur les travaux d’un bon nombre de chercheurs qui ont oeuvré dans ce domaine de la culture populaire à travers des collectes et des études formant ainsi un ensemble de savoirs sur cet espace culturel et historique, citons entre autres : Mohammed Kadi, Mohammed Bekhoucha, Ahmed Tahar, Abdelkader Azza, Mohamed Bencheneb, Mohamed Belhalfaoui, Mouloud Mammeri, …[2], participera à la constitution d’un réseau national, maghrébin et méditerranéen afin d’élargir la perspective, confronter les expériences et mobiliser les ressources matérielles et documentaires[3].

Le numéro 01 de « Turath » entame son expérience en publiant des travaux de recherche sous forme d'articles consacrés principalement au patrimoine immatériel, tout en encourageant les travaux dans le domaine de l'imaginaire lié aux processus sociaux.

Ce numéro comprend divers articles, à commencer par un dossier consacré à la poésie, la chanson, et la danse populaires. On retrouve l'aspect historique dans le travail sur les Turcs dans la poésie populaire Melhoun, où procède Ahmed Amine Dellaï à une relecture des textes des poètes populaires afin d’en dégager les emprunts faits à la langue turque et leurs significations, les représentations de l’image des Turcs, et les rapports entre ces derniers et la population locale tels qu’ils apparaissent dans les textes polémiques.

Quand à Amar Nabti, il consacre son étude à un chant berbère particulier appelé Acteddu, destiné particulièrement aux bébés et enfants en bas âge, un travail basé sur la théorie des actes de paroles et celle des interactions décrivant le contenu linguistique et la situation de communication dans laquelle la mère joue avec son bébé en le faisant sautiller.

Et en hommage au fondateur des cahiers et de la revue Turath, nous avons jugé primordial de republier l’article du feu Professeur Hadj Miliani intitulé « éléments d’histoire sociale de la chanson populaire en Algérie. Textes et contextes ». Ces chansons qui sont, d’après le professeur, des creusets pour les marquages identitaires au plan linguistique, local, générique et historiques, font l’objet d’un travail qui met en exergue une partie des formes et des contextes d’expression aussi variables qu’éphémères dans la plupart de ses formulations.

Sur la même thématique Barka Bouchiba consacre son étude aux danses populaires, ce patrimoine culturel dont le chercheur expose ses particularités et son rôle dans la réalisation du développement durable à travers l’étude et l’analyse de son impact socio-économique et culturel, tout en cherchant les procédés capables de le préserver et prévenir son extinction et les aléas favorisant sa déformation.

Et dans un autre domaine, nous retrouvons l’article de Salah Falhi sur le patrimoine vestimentaire maghrébin, et ceci à travers une étude sur la Shashiya tunisienne, une coiffe masculine qui est un symbole et une identité digne de préservation, de valorisation, et de classement parmis le patrimoine mondial. La Shashiya tunisienne représente une partie essentielle de l'habit traditionnel national, en plus d’avoir été un marqueur qui dénotait le statut et la personne de son porteur, elle différait également selon les régions géographiques. L’auteur ne manque pas, au sujet de la Shashiya tunisienne, d’exposer les étapes de sa fabrication se refusant l’imitation pour garantir la qualité du produit et respecter les origines de sa confection

A la fin, Abdelkader Dahdouh nous présente un document de recherche sur le droit de la préservation du patrimoine immatériel et sur la manière de protéger la mémoire historique des peuples par divers moyens juridiques fondés sur l'article 67, qui définit les biens culturels immatériels comme un
ensemble de connaissances, perceptions, aptitudes, compétences ou techniques dans divers domaines du patrimoine culturel, des éléments essentiels représentatifs du lien direct avec l'identité culturelle, qu’elle soit individuelle ou collective.

Ce premier numéro de la revue « Turath » contient aussi un volet « Enrichissement » consacré à des données bibliographiques concernant la chanson populaire, une brève présentation des 9 numéros des « cahiers Turath », et une présentation de l’ouvrage « La mort et la fabrique du symbolique : imaginaire rituel et social » de son auteure Mebarka Bellahcen.

Au final, ce numéro, considéré comme un numéro expérimental de lancement, associe des champs de recherche dont la diversité est sans aucun doute la marque de la vitalité du domaine des patrimoines et permet de donner à lire des approches autant disciplinaires que méthodologiques variées qui enrichissent la connaissance des sujets et élargissent de ce fait le cadre des interprétations.



Notes

[1] Art.1 de la Loi n° 98-04 Safar 1419 correspondant au 15 juin 1998 relative à la protection du patrimoine culturel.

[2] Une bibliographie détaillée et classée par thème est disponible sur les cahiers du CRASC n° 26 Turath : Bibliographie sur le patrimoine culturel. Algérie, Maghreb et Généralité, dirigé par Hadj Miliani et Saliha Senouci de l’année 2013, dont une partie consacrée à la chanson populaire est publiée dans la présente revue rubrique enrichissement.

[3] Un des objectifs du projet PNR : Patrimoine culturel en Algérie (2001-2004) présidé par Hadj Miliani avec comme membres : Ahmed Amine Dellaï, Rahmouna Mehadji, Tayeb Menad.

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